L’observation en éthologie

 L’observation en éthologie

Icera

Tout au long de son évolution et de son développement, l’éthologie a adopté et adapté des méthodes issues d’autres disciplines en fonction de leurs progrès respectifs (statistiques, psychologie expérimentale, endocrinologie…). Mais le fondement méthodologique de l’éthologie reste l’observation naturaliste des comportements en situation naturelle.

Pour dépasser la simple description, certes sympathique mais plus animée par le plaisir de voir et de découvrir que de décrire pour mesurer et expliquer les comportements (Guyomarc’h, 1980), l’éthologie s’est dotée d’outils méthodologiques spécifiques pour garantir des mesures objectives et fiables des comportements.

L'ensemble de ces techniques d’observation peut être regroupé en deux grandes classes : ceux ayant comme référent le milieu physique et ceux ayant comme référent l’individu ou le groupe d’individus. 

Le tour d’horizon, par exemple, relèvent de la première catégorie tandis que l’observation focus relèvent de la seconde.

Parmi les principales techniques d’observation, on peut citer : le tour d’horizon, le relevé chrono-cartographique, le tracking et l’observation focus.

Le tour d’horizon ou scanning consiste en un balayage de la zone étudiée. L’observateur est statique. Il choisit un poste d’observation qui offre une vue panoramique du site étudié. Le balayage commence à une extrémité de la zone et lorsqu’un individu est rencontré, son emplacement et son comportement sont enregistrés. Une fois ces données recueillies, on procède de la même manière pour le sujet suivant et ainsi de suite jusqu’à ce que le champ d’observation soit entièrement couvert. Le « balayage visuel » est renouvelé selon une fréquence déterminée par l’objet de l’étude.

Le principe du relevé chrono-cartographique est proche de celui du tour d’horizon, mais le relevé est déclenché par l’arrivée, le déplacement d’un individu dans la zone observée ou un changement d’activité et non plus une fréquence déterminée. Chaque arrivée ou déplacement est noté sur une grille de recueil ainsi que les comportements effectués par les individus présents sur le site.

Le tracking quant à elle, consiste à suivre un individu pendant ses déplacements. L’observateur est mobile tout au long du recueil de données. Il se tient à une distance suffisante pour ne pas modifier le comportement de l’individu observé. La poursuite débute à l’entrée du sujet sur la zone étudiée et se termine lorsqu’il en sort. Le tracking peut également dans certains cas se limiter à une période de temps prédéterminé ou à la réalisation d’une activité. Pendant toute la durée de la poursuite, l’observateur enregistre les comportements et leur enchaînement, mais aussi le parcours réalisé par le sujet observé.

Avec l’observation focus, notre dernier exemple. Il s’agit de relever les comportements effectués par un individu lors de l’utilisation d’un objet ou dans une situation précise. Comme pour le tracking, l’observateur enregistre l’enchaînement des comportements réalisés par le sujet tout au long de l’activité étudiée.

Pour transcrire les observations afin de pouvoir les analyser et les interpréter, l’éthologue utilise le plus souvent des praxèmes. Il peut ainsi décrire sous la forme de verbes d’action l’enchaînement des actes moteurs qui se déroulent sous ses yeux. Ce type de recueil de données, empirique, s’appuie sur la description des changements spatio-temporels dans les mouvements des membres et du corps (Hinde, 1966). Les verbes d’action peuvent être précisés par des adjectifs se rapportant à la localisation dans l’espace, à l’orientation, à une partie de l’individu observé...

« Cette forme de description se veut libre de toute inférence concernant la finalité des actions. Elle permet de constituer des catégories de comportements aussi proche que possible des actions motrices spécifiques, des gestes, des postures, des expressions faciales, des objets et des directions prises par l’action » (Vauclair, 1984).

Le choix des praxèmes doit s’effectuer en fonction du niveau d’observation à réaliser et de la finesse de l’analyse souhaitée. 

On choisit des verbes correspondant à « des unités de comportement qui ne sont ni trop petites ni trop pauvres en caractéristiques pour pouvoir être distinguées, mais qui ne sont pas cependant trop grandes, donc, trop variables. En pratique, il n’est pas très difficile de trouver des unités fonctionnelles, constantes dans leur forme et faciles à reconnaître, comme par exemple, gratter la terre, ronger, prendre rapidement une position érigée, etc. » (Eibl-Eibesfeldt, 1967).

L’avantage de cette technique est de permettre un recueil tendant vers l’objectivité dans la description des comportements. Elle limite le risque d’erreur liée à une interprétation hâtive de la fonction possible du comportement. Elle est utilisable même quand rien n’est connu du comportement, de l’espèce observée ou quand un même comportement peut assurer plusieurs fonctions.

Lorsque l’éthologue travaille sur un sujet connu, il peut choisir de transcrire ses observations sous la forme d’unités fonctionnelles. 

En appliquant une finalité à un comportement ou une séquence comportementale observée, l’unité fonctionnelle permet de synthétiser dans un seul terme défini par la fonction qu’il révèle, une suite de praxèmes ou d’unités comportementales qui se répètent systématiquement lors de la réalisation d’un comportement. « Par exemple, attaquer peut très bien regrouper plusieurs actions : courir, voler, nager vers un congénère ou se déplacer rapidement vers lui — ce comportement étant suivi ou non d’une morsure ou d’un coup de poing » (Beaugrand, 1988).

Si son utilisation est parfois nécessaire à un certain stade de l’observation ou de l’analyse, ce type de description entraîne une perte de détails et une perte d’informations concernant l’accomplissement du comportement. Pour éviter cet écueil, il est préférable de réserver la transcription par des unités fonctionnelles au stade de l’analyse ou à une phase d’observations secondaires.

Nous l’avons vu, l’observation n’est pas l’objectif ultime de l’éthologue. Il doit pouvoir garder une mémoire de ses observations afin de pouvoir les comparer, les analyser et les interpréter. L’éthologue dispose pour ce faire de plusieurs supports d’enregistrement correspondant chacun à des situations particulières, des objectifs précis et pouvant être utilisés seuls ou de façon complémentaire.

La technique du « papier crayon » reste le mode d’enregistrement le plus simple à mettre en œuvre. 

Ce mode d’enregistrement discret permet de relever les éléments composant les séquences comportementales tout en permettant une grande mobilité de l’observateur. Magnétophone, appareil photo ou caméscope peuvent également être utilisés lors d’une étude par observation, mais l’enregistrement des données à recueillir par ces matériels n’empêchera pas une transcription ultérieure afin de pouvoir analyser et interpréter les observations.


Bibliographie       BEAUGRAND J.-P (1988). « Observation directe du comportement », in ROBERT M. (Dir.), Fondements et étapes de la recherche scientifique en psychologie, Édisem., St-Hyacinthe pp. 1-34

EIBL-EIBESFELDT I. (1967), Biologie du comportement, Naturalia et Biologica, Gap, 1984

GUYOMARC’H J.-C. (1980), Ethologie, Masson, Paris

HINDE R. A. (1966), Animal behaviour. A Synthesis of Ethology and Comparatyve Psychology, Mc Graw, New York

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