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Des concepts fondamentaux de l’éthologie
Les concepts liés à l’espace
L’espace
L’espace interindividuel
Le territoire
Le domaine vital
Les concepts liés au social Le social
L’interattraction
L'effet de groupe
L'empreinte et l'attachement
La hiérarchie
L'agression
Les concepts liés à la communication
La communication
La Communication Non Verbale
La ritualisation
Les concepts liés à la cognition
La cognition
Le monde propre
Le comportement exploratoire
Le jeu
L'apprentissage
Les concepts liés à l’espace
L’espace Tous les êtres vivants évoluent dans un espace. Nous donnons consciemment ou inconsciemment un sens à l’environnement qui nous entoure et que nous parcourons. L’interprétation que nous en avons influe sur nos comportements, nos attitudes, nos sensations, nos relations avec les autres. Pour bien comprendre un comportement et lui donner sens, il est indispensable de le resituer dans son contexte spatial.
La notion d’espace peut être appréhendée à partir de deux types de référents : l’individu ou le milieu dans lequel il évolue. Lorsque l’individu est le référent principal, ce sont les distances qu’il entretient avec ses congénères qui devront être prises en compte. Par contre, si c’est le milieu dans lequel évoluent le ou les individus qui fait l’objet d’une étude, les notions de territoire et de domaine vital deviendront prépondérantes. Ces deux types d’approche de l’espace peuvent être considérés simultanément pour analyser un comportement
L’espace interindividuel
Les distances interindividuelles jouent un rôle important dans la régulation des relations sociales. Elles portent des informations sur les intentions d’autrui et ont valeur de communication.
Heini Hediger¹ fut le premier à étudier les distances qui régissent les interactions entre animaux d’une même espèce. Il observe quatre types de distances chez l’animal et les décrit de la façon suivante : distance personnelle, distance sociale, distance critique, distance de fuite.
Le concept de distances
interindividuelles élaboré par H. Hediger chez l’animal a été transposé par Edward T. Hall² pour l’espèce humaine et a donné naissance à la proxémique³. Pour E.T. Hall, quatre types de distances régissent nos relations interindividuelles.
La distance intime, moins de 45 cm : la présence de l’autre s’impose et peut même devenir envahissante par son impact sur le système perceptif. La vision (souvent déformée), l’odeur et la chaleur du corps de l’autre, le rythme de sa respiration, l’odeur et le souffle de son haleine, constituent ensemble les signes d’une relation d’engagement avec un autre corps.
La distance personnelle, entre 45 et 120 cm : distance qui sépare les membres d’un même groupe. On peut l’imaginer sous la forme d’une petite sphère protectrice, ou bulle, qu’un individu créerait autour de lui pour s’isoler des autres.
La distance sociale, entre 120 et 360 cm : elle marque la limite de l’emprise sur autrui. Les détails visuels intimes du visage ne sont plus perçus, personne ne touche ou n’est supposé toucher autrui, sauf à accomplir un effort particulier.
La distance publique, plus de 360 cm : distance au-delà de laquelle l’individu ne se sent plus directement concerné. Face à un individu qui réduit cette distance et dont elle ne perçoit pas les intentions, une personne se sent menacée et peut adopter une conduite de fuite ou de défense.
Chacune de ces distances peut varier en fonction de la culture d’appartenance, de l’environnement physique, de la densité des personnes présentes et de la situation. Ainsi, les cultures du sud ont tendance à diminuer les distances tandis que les cultures du nord ont tendance à les accroître.
Nos comportements et certaines de nos décisions sont inconsciemment influencés par la nécessité de respecter les « règles » des distances interpersonnelles. Dans un wagon, un amphithéâtre, une salle de cinéma… les places se remplissent toujours selon le même schéma. Chaque nouvel arrivant cherche la place la plus éloignée de celles déjà occupées s’il ne connaît personne dans la salle ou le wagon. Pour sauvegarder un espace libre autour de soi le plus longtemps possible, on dispose des affaires personnelles sur les sièges d’à côté…
Par contre, lorsque l’on se trouve dans un lieu où la densité est trop importante pour que les distances interpersonnelles puissent être respectées, nous utilisons des artéfacts pour nous créer une « bulle virtuelle ». Lorsque nous nous trouvons dans le métro à une heure de pointe et que les distances interpersonnelles sont réduites à leur plus simple expression, nous adoptons une mimique inexpressive et notre regard se dirige vers le bas ou un autre point mais jamais en direction du regard d’une autre personne. Cette attitude interdit toute communication interindividuelle, mais permet de faire fortement diminuer le stress induit par une trop grande proximité avec des personnes inconnues.
Cette posture peut être renforcée par l’utilisation d’un baladeur, d’un journal ou d’un livre, par exemple, qui permet l’isolement.
Le territoire
Un territoire est un espace plus ou moins exclusif marqué et défendu en permanence par un individu ou un groupe d’individus. Sa fonction est d’apporter à l’individu ou au groupe d’individus une certaine sécurité pour y accomplir des tâches qui induisent une perte ou une diminution de la vigilance comme le repos, l’alimentation, la reproduction, l’élevage de la progéniture (Malmberg, 1980)…
Au sein de son territoire le « propriétaire » est dominant sur les autres individus présents. Les « invités » sont subordonnés aux règles de conduite du tenant du territoire. Le non respect de ces règles peut provoquer une éviction de l’invité par le tenant du territoire.
Chez l’homme, le territoire peut être assimilé à l’espace privé. La maison ou l’appartement est l’exemple type d’un territoire humain. Les lieux de commerce fermés relèvent également du territoire, même s’il s’agit de territoires particuliers. Les lieux de travail fermés peuvent aussi être considérés comme des territoires particuliers. Ces types de territoires particuliers dont la jouissance est autorisée pour une durée et une activité précises sont très certainement une particularité de l’espèce humaine.
Un territoire, même s’il est marqué et défendu n’a pas d’existence matérielle. Pour l’homme, comme pour l’animal, sa perception et son respect ne sont basés que sur une convention entre congénères partageant une même « culture ,
Le domaine vital
Le domaine vital représente la surface totale qu'un individu parcourt et explore tout au long de son existence. C'est un espace « neutre » qui n'est pas exclusif. C’est l’espace privilégié des relations sociales.
En ville, le domaine vital correspond à l’espace public. Il est composé des voies de circulation reliant les différents lieux d’activités de la ville et des espaces ouverts en permanence, accessibles sans contraintes particulières.
Au sein du domaine vital, il existe une grande liberté de comportements individuels et d’utilisation de l’espace. Les seules restrictions qui s’exercent sont induites par des conventions éthologiques. Elles régissent les interactions lors des rencontres.
L’approche d’un congénère, par exemple, doit débuter par des comportements de salutation qui peuvent prendre des formes différentes en fonction des cultures d’appartenance. Les croisements entre personnes inconnues doivent s’effectuer à la distance publique. Lorsque cette distance ne peut être respectée, il convient de montrer ses intentions non agonistiques.
Ces comportements, salutations, respect des distances, postures « neutres », permettent d’exprimer des intentions non agonistiques. Ils doivent éviter les réactions agressives de la part des congénères présents.
Dans l’espace public, il n’existe pas de réelle prédominance d’un individu sur un autre par rapport à l’espace. Considéré comme une zone de parfaite neutralité, la jouissance de l’espace public est équilibrée et n’engendre pas de situations agonistiques. Lorsque des conflits peuvent être observés, ils trouvent le plus souvent leur origine dans une différence de perception du statut de l’espace.
Pour l’espèce humaine, bien que la liberté d’utiliser le domaine vital ou l’espace public soit importante, les comportements de chacun sont limités par les règles de vie en société et chacun est soumis au contrôle social. L’état, par l’intermédiaire des forces de police, régule et contrôle le bon usage de cet espace. L’existence d’un système de régulation institutionnel du domaine vital chez l’homme est probablement induite par la densité des utilisateurs de cet espace, en particulier en milieu urbain.
Notes
¹ Heini Hediger (1908-1992), zoologiste suisse, a été directeur des jardins zoologiques de Berne (1938-1943), de Bâle (1944-1953) et de Zurich (1954-1973). Ses recherches ont porté essentiellement sur le comportement des animaux en captivité. Il a introduit la notion de milieu enrichi pour les animaux vivant en captivité.
² Edward T. Hall ( ), anthropologue américain, s’est particulièrement consacré aux problèmes des relations interculturelles et des difficultés de la communication par-delà les frontières culturelles d’autant plus réelles que dissimulées.
³ La proxémie est la discipline qui s’intéresse aux distances physiques qui s'établissent entre des personnes prises dans une interaction.
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Bibliographie Hall E.T. (1966), La dimension cachée, Seuil, 1971
Hediger H. (1953), Les animaux sauvages en captivité, Introduction à la biologie des jardins zoologiques, Payot
Malmberg T. (1980), « Pour une territorialité humaine, quelques concepts de base », Revue de l’Institut de Sociologie 3/4, édition de l’Université de Bruxelles, 1984
Les concepts liés au social
Le social On regroupe sous le terme social l’ensemble des relations qu’établissent les individus, d’une même espèce, vivant dans une même unité de temps et d’espace. Cette cohabitation nécessite la mise en place de règles ou d’ajustements comportementaux plus ou moins contraignants pour l’individu et plus ou moins définis, mais qui permettent une économie d’énergie lors des interactions. Dans certains cas, la notion de relation sociale peut être étendue à des individus d’espèces différentes entretenant des liens étroits comme dans le cas de l’homme et de son animal domestique.
Dans le cadre d’un rassemblement d’individus formant une société, les relations sont régies par des règles acceptées par tous. Elles permettent de limiter l’apparition de comportements agonistiques et facilitent les relations interindividuelles.
L’établissement et le respect de ces conventions nécessitent l’existence d’un système de communication où chacun peut jouer le rôle d’émetteur et de récepteur.
L’interattraction
Le phénomène d’interattraction représente le comportement social le plus simple du règne animal. Mais présent chez toutes les espèces animales en situation sociale, il est le plus fondamental de la formation d’un groupe ou d’une société. S’il en existe un grand nombre de descriptions chez l’animal, il peut être également aisé de l’observer chez l’homme tant son expression est fréquente.
Lors d’un accident ou d’une altercation, des rassemblements de badauds sans liens se forment spontanément autour de l’élément déclencheur sans n’intervenir directement sur l’événement. Très rapidement la densité du rassemblement augmente. Des échanges non verbaux, puis verbaux se mettent en place. Des groupes se forment et se mettent à interagir en dehors de l’élément à l’origine du rassemblement. Certains peuvent même se trouver à distance et hors de vue de l’événement. Le rassemblement peut continuer à exister un certain temps après la disparition de l’événement déclencheur.
L’interattraction est également à l’origine de nombreux comportements humains comme l’entassement sur les plages pendant les périodes estivales, la promenade dans des lieux publics populeux, mais aussi la fréquentation de grands magasins ou de centres commerciaux. Outre l’attraction marchande que représentent de tels lieux, une des motivations importante pour s’y rendre est l’assurance de pouvoir y côtoyer des congénères. Plus un centre commercial est fréquenté, plus il est attractif (Poupard, 1998).
L'effet de groupe
On appelle effet de groupe, l’ensemble des réactions physiologiques ou comportementales qu’un individu manifeste à la suite d’une stimulation sensorielle émanant de ses congénères (Grasset, 1968). Ce qui intervient, ce n’est pas le caractère propre à tel ou tel compagnon, mais le simple fait que le sujet soit groupé. Ce phénomène résulte de l’échange de stimulations réciproques et de mêmes formes. L’individu réagit au groupe comme à un milieu particulier : le milieu social. « Ce milieu modifie l’animal en provoquant un changement profond dans son état réactionnel, voire sa physiologie » (Gervet, 1968).
Un des exemples classiques de l’effet de groupe est celui du criquet migrateur (Locusta migratoria) qui change de forme et de couleur quand il passe d’un mode de vie solitaire à celui de groupe pouvant atteindre plusieurs milliers d’individus. Les changements morphologiques sont tels que l’on a longtemps cru qu’il s’agissait de deux espèces différentes.
Il n’y a pas que les insectes qui sont soumis à cet étrange phénomène qu’est l’effet de groupe. L’homme également peut se trouver sous son influence sans qu’il en soit vraiment conscient. Dans le cadre d’un flux de circulation, par exemple au sein d’un centre commercial, l’augmentation de la densité du flux entraîne un changement comportemental. D’une prise individuelle de décision des évitements, on passe à une organisation collective des déplacements dans des flux homogènes et cohérents (Poupard, 2005).
Un autre exemple est celui que l’on a pu observer lors des victoires historiques de l’équipe de France de football. Par exemple, en 2000, lors de la coupe d’Europe de football, après la victoire de la France en finale, on a pu voir des personnes sortir de chez elles sans but précis apparent. Elles se mettaient à suivre des petits groupes qui se déplaçaient également sans but précis. A l’intersection des rues, les groupes venant de directions différentes se rassemblaient. Après quelques moments d’attente, le nouveau groupe reprenait sa marche. Lors de l’arrivée à une bouche de métro, et après un nouveau temps d’attente, le groupe s’y engouffre pour se retrouver place de la Concorde. Là, tous les individus s’engagent dans un mouvement tournant sur les Champs-Élysées !!!
L'empreinte et l'attachement
L’empreinte est un processus d’apprentissage reposant sur une pure association et apparenté au réflexe conditionné. L’association d’un certain comportement avec une certaine situation se fait sans renforcement, c’est-à-dire sans rétroaction positive de la réussite du comportement en question. L’une des particularités de l’empreinte réside dans le fait qu’elle est phylogénétiquement « programmée » pour une période très précise de la vie ontogénétique de l’individu, période au cours de laquelle le jeune organisme attend en quelque sorte certaines configurations de stimuli déclencheurs inconditionnés et les associe instantanément pour former une unité avec des stimuli en eux-mêmes non déclencheurs qui se présentent en même temps. L’association établie par l’empreinte a un caractère irréversible mais elle ne porte que sur un système de comportement très précis (Lorenz, 1984).
Il s’agit d’une disposition innée à l’apprentissage.
Chez les oiseaux, quelques heures après l’éclosion, les jeunes nidifuges suivent leur mère de façon persistante. Lorenz (1935) a montré que le jeune oison suit et apprend à reconnaître le premier objet bruyant qu’il voit pendant cette période…
L’empreinte serait liée plutôt à la période de développement fœtale et aux premières heures de la vie. Il s’agit d’un période très ponctuelle. Elle s’effectuerait sur des « objets simples ».
L’attachement représente une dépendance entre deux individus. C’est un phénomène proche de l’empreinte mais qui nécessite un échange entre les individus qui « s’attachent ». L’attachement, du moins chez les espèces sociales, est indispensable au bon développement de l’individu. Sa privation peut entraîner des troubles importants, voire définitifs. Même s’il est particulièrement important dans les premiers moments de la vie, l’attachement peut s’effectuer tout au long de la vie d’un individu.
L’attachement entre la mère et son enfant est indispensable au bon développement psychologique et physiologique de l’enfant. La relation qui s’établit entre les deux n’est pas celle d’une dépendance biologique. Elle est basée sur l’affectivité et la création du lien social. En cas de défaillance de la mère, un autre adulte peut s’y substituer comme figure d’attachement.
Alors que l’on expliquait que le lien très fort qui unissait la mère et l’enfant chez les mammifères était lié à la délivrance du lait par la mère, Harlow (1965) a démontré que le besoin de contact était indispensable, et peut-être plus important encore que le besoin de lait. Il donna à des bébés macaques rhésus sans mère le choix entre une mère substitutive faite de grillage métallique et munie d’une tétine délivrant du lait, et un mannequin sans tétine, mais recouvert d’un tissu doux et chaud. Les jeunes ont établi un lien avec le mannequin doux et chaud et passaient leur journées dessus. Ils ne faisaient que de rapides passages pour boire du lait sur la mère substitutive en grillage métallique.
La hiérarchie
La hiérarchie reflète la dominance de certains individus sur d’autres en rapport avec une ou plusieurs activités. Elle se manifeste notamment par un accès prioritaire à la nourriture, aux sites propices au repos, aux possibilités d’accouplement, mais aussi à la réalisation de tout autre comportement ayant une certaine importance pour l’individu ou le groupe.
Elle s’instaure par des confrontations entre les individus. A l’issue de cette phase, les interactants adaptent leurs comportements en fonction des statuts qui ont été ainsi définis.
Une fois les rapports interindividuels et le système hiérarchique établis, les confrontations ouvertes disparaissent pratiquement. Des actes d’intimidation de la part des dominants à l’égard des individus subordonnés suffisent normalement à faire respecter l’ordre social.
Une hiérarchie peut prendre différentes formes :
- linéaire, l’individu alpha a préséance sur tous les membres du groupe, bêta les domine tous sauf alpha, et ainsi de suite. Oméga, au dernier rang, est dominé par tous ;
- pyramidale, plusieurs animaux occupent un même rang : alpha domine deux individus bêta, qui ont à leur tour préséance sur trois ou quatre animaux gamma, etc. ;
- triangulaire, un individu A domine B, qui domine C ; mais C domine A... Ce type d’organisation peut affecter n’importe quel chaînon d’une hiérarchie linéaire ;
- en râteau, l’individu alpha domine l’ensemble des autres individus qui sont tous au même niveau hiérarchique.
Elle peut être plus ou moins permanente et être liée à des lieux spécifiques ou des activités particulières.
Il peut exister une hiérarchie double. Il existe un ordre de préséance chez les mâles et un autre chez les femelles. Chez les poulets, dans tous les cas les mâles dominent toutes les femelles.
Dans tout groupe social s’établit un ordre hiérarchique qui intervient dans les prises de décision et dans l’accès aux ressources naturelles, mais l’existence d’un tel système ne présage pas du mode de fonctionnement du groupe qui peut être autoritaire ou démocratique.
L’ordre hiérarchique n’est pas une simple échelle de supériorité. « La situation est plus compliquée que cela ; les ordres hiérarchiques lient les individus entre eux par un pacte de loyauté » (De Wall, 1992).
L'agression
L’agression ou comportement agressif désigne toute attaque ou menace d’un individu vers un autre individu. La fonction première de l’agression est la conservation de l’espèce. Elle permet la répartition d’êtres vivants dans l’espace vital disponible.
L’agression interspécifique principalement liée à la prédation ne peut pas être considérée comme un combat au sens propre du terme. Elle permet l’établissement d’un état d’équilibre écologique parfaitement supportable pour chacun considéré en temps qu’espèce (Lorenz, 1969). Un chat n’est pas agressif lorsqu’il chasse une souris. Il ne s’agit que d’un comportement de prédation, nécessaire à assurer sa propre survie.
Le comportement agressif intraspécifique a de multiples fonctions, dont la répartition des individus au sein d’un espace donné afin de réguler l’accès aux ressources alimentaires indispensables à l’individu ou groupes d’individus.
Il peut également se révéler lors de la défense de lieux particuliers comme un territoire, un lieu de nidification, un point d’eau, mais aussi permettre l’établissement ou le maintien d’un statut hiérarchique ou être l’expression d’une compétition pour un partenaire de reproduction.
Un comportement agressif se déroule généralement sous la forme d’une séquence ritualisée. Il débute, le plus souvent, par des menaces sous forme de postures, de mimiques, voire de vocalisations. Cette première joute permet dans la plupart des cas d’aboutir à la résolution du conflit. Il se termine alors par la soumission, des gestes d’apaisement, de réorientation ou la fuite de l’un des protagonistes. Dans le cas contraire, les menaces laissent place à une interaction physique où les coups sont portés, mais ce combat ne sera que rarement mortel.
C’est entre les communautés sociales d’une même espèce que les combats sont les plus destructeurs. Les exemples chez les fourmis, les abeilles, les rats, les primates sont nombreux. Jane Goodall (1992) décrit les « tueries » entre deux communautés de chimpanzés dont les territoires étaient devenus insuffisants pour nourrir ces groupes ou bien Konrad Lorenz (1969) montre à travers l’expérience de Steiniger (1951) comment un couple de surmulots dans un enclos extermine les autres occupants afin d’occuper la totalité du lieu.
A l’intérieur des communautés les choses en sont tout autrement. De nombreuses espèces s’assemblent en groupes coopératifs qui donnent la plupart du temps une image d’harmonie (De Waal, 1992). Les conflits et leur résolution permettent d’accéder à une forme d’unité. Les comportements de menace conduisent le plus souvent à des réponses ritualisées, de fuite ou d’évitement et débouchent rarement sur l’acte d’agression à proprement parler. Les tensions, les menaces et la résolution de conflits dans un groupe contribuent à l’établissement du lien unissant le groupe et participent à la cohésion du groupe.
Au-delà de ces ritualisations phylogénétiques, chez l’homme, les rites culturels se forment au cours de l’histoire. « Tout ce qu’on appelle bonnes manières est bien sûr strictement déterminé par la ritualisation culturelle. Les “bonnes” manières sont, par définition, celles de notre groupe et nous nous conformons constamment à leurs exigences ; elles deviennent pour nous une seconde nature. Normalement, nous ne nous rendons plus compte que leur fonction est d’inhiber l’agression ou de créer du lien. C’est cependant cet effet que les sociologues appellent la “cohésion du groupe” » (Lorenz, 1969).
Une mauvaise interprétation des comportements d’apaisement et de soumission qui sont inhibiteurs de l’agressivité ou leur absence, entraînent une situation d’agression physique. En effet Konrad Lorenz (1969) dans son livre L’agression nous fait remarquer que « les armements humains de destruction à distance interdisent la mise en place de ces mécanismes, ce qui peut expliquer que des individus pas plus méchants que d’autres puissent bombarder des nations et tuer des milliers de personnes ».
Les agressions physiques ne sont pas les seules à avoir des répercussions sur l’individu. L’agression psychosociale par exemple, « Si elle ne trouve pas de solutions dans l’action motrice adaptée, […] débouche sur un comportement d’agressivité défensive ou, chez l’homme, sur le suicide. Mais si l’apprentissage de la punition met en jeu le système inhibiteur de l’action, il ne reste plus que la soumission avec ses conséquences psychosomatiques, la dépression ou la fuite dans l’imaginaire des drogues et des maladies mentales ou de la créativité » (Laborit, 1976).
Biobliographie
Brossut R., Dubois P. et Rigaud J. (1974), « Le Grégarisme chez Blaberus craniifer : identification et isolement de la phéromone », Journal of Insect Physiology, vol. XX, 1974
De Waal F. (1989), De la réconciliation chez les primates, Flammarion, Paris, 1992
Gervet J. (1968), « L’effet de groupe dans la société polygyne de Poliste (Hyménoptères vespides) », in L’effet de groupe chez les animaux, Edition du CNRS, Paris, pp. 77-100
Goodall J. (1990), La vie chimpanzé, Stock, Paris, 1992
Grassé P.-P. (1968), « Introduction à l’effet de groupe chez les animaux » », in L’effet de groupe chez les animaux, Edition du CNRS, Paris, pp. 9-14
Harlow H., Harlow M. (1965), « The affectional systems », in Schrier A., Harlow H., Stollnitz F. (ed.), Behavior of Nonhuman Primates, vol. II, Academic Press, New York, pp. 287-334
Laborit H. (1976), Eloge de la fuite, Robert Laffont, Paris
Ledoux A. (1945), « Etude expérimentale du grégarisme et de l’interattraction sociale chez les blattidés », Ann. Sci. Nat. Zool. Biol. anim. 11e série, vol. 17, pp. 75-104
Lorenz K. (1935), « Der Kumpan in der Umwelt des Vogels », J. Ornith., 83, pp. 137-413
Lorenz K. (1978), Les fondements de l’éthologie, Flammarion, Paris, 1984
Lorenz K. (1983), L’agression, Flammarion, Paris, 1969
Poupard J.-M. (1998), Contribution à la connaissance des comportements humains en milieu urbain : étude biosociologique du centre commercial régional de Créteil Soleil, Thèse de Doctorat, Université René Descartes - Paris V
Poupard J.-M. (2005), Les centres commerciaux ; de nouveaux lieux de socialité dans le paysage urbain, L’Harmattan, Paris
Steiniger F. (1951), « Revier- und Aktionsraum bei der Wanderratte », Z. hyg. Zool., 39, 33-51
Les concepts liés à la communication
La communication Il n’existe pas de sociétés sans système de communication. Toute situation sociale nécessite une communication interpersonnelle. Celle-ci permet par l’interaction qu’elle engendre d’unifier le groupe, et de créer le sentiment de « nous » qui caractérise le groupe social. « La communication est une condition sine qua non de la vie humaine et de l’ordre social. Il est non moins évident que l’être humain se trouve dès sa naissance engagé dans le processus complexe de l’acquisition des règles de la communication, mais qu’il n’a que très faiblement conscience de ce que constitue ce corps de règles, ou ce calcul de la communication humaine » (Watzlawick, Helmick Beavin, Jackson, 1967).
En permettant l’émission et la réception de messages, le stockage d’informations, la synthèse d’informations pour en tirer de nouvelles conclusions et anticiper des évènements futurs, d’amorcer et modifier des processus physiologiques internes, d’influencer et diriger d’autres individus (Ruesch, 1987), la communication permet de créer du lien, de synchroniser les comportements, de réguler les interactions, de s’adapter à l’environnement social.
Théorie de la communication
La théorie moderne de la communication et de l'information est l’œuvre de Norbert Wiener et de ses élèves, Claude Elwood Shannon et Warren Weaver. Dans leur ouvrage, The Mathematical Theory of Communication (1949), Shannon et Weaver énoncent le dogme du schéma ternaire, universellement connu : en fait dans ce travail, Shannon s'écarte fortement des idées de Wiener. Dans son schéma, il oublie la notion de rétroaction (feedback), caractéristique tenue pour fondamentale par Wiener.
En effet, il est admis que dans un acte de communication, le message émis modifie le comportement du destinataire de façon perceptible par l’émetteur (rétroaction). C’est l’enchaînement de séquences de va et vient entre deux individus qui autorise à parler de communication. Si le message ne circule que dans un sens, on parlera plutôt d’information.
Schéma classique d'un circuit de communication élargie
Tout au long de son existence l’individu tisse des liens lors des différentes interactions qu’il a avec ses congénères. Dès la deuxième semaine de vie, le bébé humain tente d’entrer en communication avec sa mère, il répond par des gazouillis et des gambades à l’intérêt que porte sa mère à ses mimiques. Ainsi se créent dans le plaisir une interaction et un début d’attachement entre la mère et l’enfant.
Par l’intermédiaire de sa mère et de ces premières interactions qui seront suivies de bien d’autres, ouvertes de plus en plus sur le reste du monde, le petit d’homme intégrera et s’intégrera progressivement dans la société qui sera la sienne (Cyrulnik, 1989).
Si un jeune enfant se trouve en situation de privation sensorielle, dans l’impossibilité d’interagir, de communiquer avec sa mère ou un adulte de substitution, sa survie et son intégration dans le groupe social peuvent devenir difficiles. Spitz (1965) a suivi une cohorte de quatre vingt onze enfants de six à douze mois dans un orphelinat où ils étaient privés de communication prolongée avec des adultes. Au bout de dix-huit mois, un enfant sur trois était mort. Les survivants avaient un coefficient de maturation retardé de 45%. La plupart d’entre eux sont devenus psychopathes au moment de leur adolescence.
Chez l’homme, dès qu’il est en âge de parler, le langage verbal joue un rôle important dans sa communication. Il lui permet d’échanger des notions abstraites, de communiquer à distance, de transmettre et discuter des savoirs complexes… Mais l’homme ne communique pas uniquement par son langage verbal. Une part importante de ses échanges passe par des canaux non verbaux. Ce mode de communication plus ou moins conscient joue également un rôle très important dans nos relations avec autrui.
La Communication Non Verbale
Chez l’animal, comme chez le nourrisson, l’absence d’un langage verbal est compensée par un recours à la communication non verbale. Celle-ci passe par tous les sens dont dispose l’espèce à laquelle appartient l’individu. La vue, l’ouïe, l’odorat, le tactile sont les canaux sensoriels les plus répandus dans le règne animal. Chacun de ces canaux comporte des avantages et des inconvénients pour des actes de communication. Le canal visuel comme le canal tactile nécessite une certaine proximité, mais permet une communication dirigée vers un seul ou un groupe de congénères précis. Le canal auditif permet d’échanger à distance, mais comme le canal olfactif, il ne permet pas de cibler le récepteur. Le canal olfactif a une certaine persistance après que le message ait été émis.
Pour l’homme comme pour l’animal, la communication non verbale joue un rôle important en particulier à travers l’ensemble des signaux incitant à la socialité. L’un des plus répandus est très certainement le comportement de salutation. Lorsque des individus vivent en permanence en société, ils effectuent des comportements apaisants lorsqu’ils rencontrent un membre de leur communauté.
Un chien salue un autre chien, quand il le connaît bien, en remuant la queue. Les chimpanzés s’enlacent et s’effleurent les lèvres lorsqu’ils se retrouvent. Ces embrassades peuvent être d’autant plus expressives que la séparation a été longue. (Lawick-Goodall, 1970). Pendant la couvaison, lors de la relève, le cormoran apporte une touffe de varech. Sans cette offrande, il s’exposerait à des coups de la part de son partenaire (Eibl-Eibesfeldt, 1972). Pour saluer, le lémur Mongoz (Lemur mongoz) exécute un mouvement de bas en haut avec sa mâchoire inférieure tout en léchant l’air et en émettant des cris rythmiques. Le macaque (Macaca speciosa) fait des mouvements similaires de léchage en ouvrant et fermant rapidement les lèvres. (Andrew, 1963).
Pour l’homme aussi, les rites de salutations et de recherche de la socialité font également partie intégrante de son éthogramme¹. Ils peuvent prendre différentes formes selon les circonstances : accolade, embrassade, baiser, offrande, paume tendue et ouverte, sourire…
Si l’expression de ces comportements peut varier en intensité et en visibilité selon les cultures où ils sont observés, il est remarquable que ces signaux incitant à la socialité soient universels² au sein de l’espèce humaine.
Le « salut des yeux », mouvement très expressif du visage bien que discret et rapide, se rencontre chez toutes les ethnies étudiées par Irenäus Eibl-Eibesfeldt. Les sourcils sont brièvement haussés pendant 1/6e de seconde, et souvent le sourire qui précède est plus marqué avec le haussement des sourcils. Bien que la fente des paupières ne s’ouvre pas, le haussement des sourcils fait paraître les yeux largement ouverts. Eibl-Eibesfeldt (1973) rapporte dans son ouvrage L’homme programmé : « Chaque fois que nous avons établi un premier contact en saluant par les yeux, les sujets visés répondirent, comme par réflexe, par un salut des yeux, et cela chez tous les peuples visités. […] Il nous semble que la réponse au salut des yeux soit inconsciente. […] Le salut des yeux est toujours un signe d’amitié ».
Les comportements de salutation peuvent prendre des formes très différentes selon les espèces étudiées. Mais mêmes si elles sont liées à l’équipement sensori-moteur de l’espèce, comme tous les actes de communication, certaines expressions peuvent franchir les barrières spécifiques. Un chien de bonne humeur peut accueillir un autre mammifère par des léchages et des mordillements. Cet aspect interspécifique du comportement d’accueil provient probablement du fait qu’ils dérivent de comportements de soins donnés aux jeunes. Chez les mammifères, le nourrissage bouche à bouche peut être à l’origine de certains de ces comportements (Wickler, 1967) comme l’effleurement des lèvres du chimpanz
La ritualisation
Le grooming largement pratiqué chez les primates joue un rôle important dans la cohésion du groupe. Les longues séances d’épouillage mutuel permettent, outre de se débarrasser de parasites envahissants, de renforcer les liens entre les individus d’une communauté et de faire baisser les tensions après une altercation. Chez les oiseaux, le comportement d’allolissage des plumes remplit la même fonction. Chez l’homme, bien que le lien social soit pour une bonne part maintenu par l’échange verbal, bon nombre de comportements interviennent, effectués seuls ou en complément du message verbal pour renforcer les liens qui unissent un groupe.
De nombreux comportements comme le grooming dérivés du toilettage et pratiqués entre deux individus ou en groupe peuvent avoir valeur de communication. On parle alors de ritualisation. Ce sont des comportements ou séquences comportementales qui ont perdu leur fonction première pour prendre valeur de communication.
Les parades nuptiales restent les exemples les plus remarquables de ritualisations. En effet, dès qu’une activité met en jeu plusieurs individus, il devient nécessaire qu’intervienne un système médiateur pour synchroniser les comportements de chaque individu et atteindre l’objectif recherché. C’est le rôle des comportements ritualisés et en particulier de la parade nuptiale qui précède chez de nombreuses espèces le comportement de reproduction proprement dit, la fécondation.
Une fois la rencontre effectuée, les deux individus doivent s’assurer que l’appariement est acceptable pour chacun d’entre eux. Une séquence comportementale plus ou moins complexe et longue se met en place. C’est plus généralement le mâle qui se montre actif durant cette parade nuptiale. La femelle se contente généralement de se rapprocher et d’exprimer son acceptation ou de prendre ses distances en fonction de l’intérêt qu’elle porte pour le mâle et de sa réceptivité sexuelle.
Les schèmes comportementaux effectués au cours de cette période et qui constituent un véritable échange ritualisé entre les deux acteurs, permettent outre le rôle d’attraction et de renforcement de cette attraction, d’établir un synchronisme physiologique nécessaire au bon déroulement de l’acte sexuel et à sa productivité.
Notes ¹ Ethogramme : inventaire des comportements d’une espèce.
² Comportements universels : comportements ayant la même structure et les mêmes fonctions dans les mêmes contextes chez tous les êtres humains, appelés aussi des universaux.
Bibliographie Andrew R.J. (1963a), « The Origine and Evolution of the Calls and Facials Expressions of Primates », Behavior, 20, pp. 1-109
Andrew R.J. (1963b), « Evolution of Facial Expressions », Science, 142, 1034-1041
Cyrulnik B. (1989), Sous le signe du lien, Hachette, Paris
Eibl-Ebesfeldt I. (1972), Grundriß der vergleichenden Verhaltensforshung, III, Aufl. Münichen (Piper)
Eibl-Ebesfeldt I. (1973), L’homme programmé, Flammarion, Paris, 1976
Ruesch J. (1987), « Valeur communication et culture » in Bateson G., Ruesch J., 1988, Communication et société, Seuil, Paris
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Les concepts liés à la cognition
La cognition La cognition est un processus mental par lequel les informations sont reçues, sélectionnées, transformées et organisées, permettant de construire des représentations de la réalité et d’élaborer des connaissances en utilisant la mémorisation, le raisonnement, les émotions, la perception de l’environnement...
Si le concept d'intelligence concerne l'évaluation d'une performance face à un problème spécifique même complexe, celui de la cognition doit avoir en plus d’autres caractéristiques :
- La flexibilité de la réponse suppose que l'individu est en mesure de construire une réponse lorsqu'il doit faire face à des conditions inattendues dans l'environnement.
- La nouveauté de la réponse est reconnue par le fait que la réponse élaborée n'est pas la simple mise en œuvre de comportements préprogrammés.
- La capacité de généralisation lorsqu’un moyen nouveau, construit pour résoudre un problème nouveau, est susceptible d'être généralisé à des contextes comparables ou partiellement différents de ceux qui ont réglé sa construction initiale (Vauclair, 1992).
Le monde propre
La tique est un petit animal sans yeux. La femelle, après avoir été fécondée, part à la recherche de nourriture. Elle se déplace vers l’extrémité d’une branche grâce à la sensibilité de sa peau à la lumière. Une fois le lieu stratégique atteint, elle attend. Son odorat lui permet de percevoir l’odeur de l’acide butyrique dégagé par les mammifères. Il l’avertira de la proximité d’un animal à sang chaud. A son passage, elle se laisse tomber sur sa proie. Son sens tactile lui permet de trouver le meilleur emplacement pour aspirer n’importe quel liquide à la bonne température, en l’occurrence le sang du mammifère. La tique, animal assez primitif, réagit à trois stimuli : la lumière, l’acide butyrique et la chaleur.
Jacob von Uexküll s’appuie cet exemple pour introduire la notion d’Umwelt ou monde sensible de l’espèce. Chaque espèce vit dans une représentation environnementale unique construite à partir de ce que perçoit l’animal grâce aux récepteurs sensoriels de son organisme. Ce qu’il perçoit, ce par quoi il est stimulé peut être définit comme étant son « monde propre ». Des mécanismes de filtrage assurent la sélection des stimuli biologiquement importants auxquels l’individu est appelé à réagir. Ce qu’un sujet perçoit est son monde de la perception et ce qu'il fait son monde de l'action ; ces deux mondes forment, le monde vécu qui est à distinguer de l’environnement objectif de l’animal.
Le monde propre d’un individu s’inscrit dans un cadre sensoriel déterminé par l’appartenance à son espèce, mais peut varier dans le temps du fait de sa maturité et son expérience vécue. Les capacités sensorielles d’un individu varient avec son âge mais aussi avec son expérience et l’entraînement moteur accompli, l’exercice.
Prenons l’exemple d’un guide de montagne, d’un homme urbain et de son chien marchant dans la forêt. A la croisée de deux chemins un grand arbre. Les deux hommes possédant le même cadre sensoriel, vont percevoir le même objet et sensiblement de la même façon. Le chien doté du cadre sensoriel de l’espèce canine percevra un objet différent que celui des deux hommes qui ne peut être décrit par un humain. Le guide de montagne perçoit l’arbre (stimulus) comme un indice de sa localisation (expérience) et s’engagera sur le chemin partant à gauche (action). L’homme urbain perçoit également l’arbre, mais c’est un arbre comme un autre (pas de stimulus). Le chien, lui, sent plus qu’il ne voit l’arbre marqué par l’urine d’un autre chien (stimulus), étant d’un caractère craintif (expérience) il n’urinera pas au pied de l’arbre mais urinera plus loin (action) pour laisser un trace de son passage.
L’arbre est vu par les deux hommes grâce à leur sens de la vision très développé (génétique) déterminé par leur appartenance à l’espèce humaine (phylogénie), mais chacun lui donnera un sens différent en fonction de son expérience personnelle (ontogénie)
Pour le chien, l’odeur de l’arbre est prépondérante, son sens de l’olfaction étant particulièrement développée tandis que sa vision reste médiocre (génétique) comme pour tous les individus de son espèce (phylogénie). Le sens qu’il donnera aux informations perçues dépendra comme pour les hommes de son expérience passée (ontogénie).
Chaque individu vit donc dans un environnement perçu qui lui est propre. Cet environnement perçu est dépendant de l’appareillage sensoriel de son espèce et le sens qu’il donne à cet environnement dépend de l’histoire de son espèce et sa propre histoire.
Ainsi peut se définir le monde propre ou Umwelt.
Le comportement exploratoire
Le comportement exploratoire permet l‘acquisition d’informations sur l’environnement et l’établissement de relations spatio-temporelles. Il repose sur des processus d’apprentissage (Heymer, 1977).
De manière discrète, l’exploration précède ou accompagne de nombreuses conduites. L’exploration est en effet une composante de la phase appétitive de nombreux comportements, l’individu recherchant activement les objets ou les stimuli nécessaires à l’acte consommatoire, c’est-à-dire l’accomplissement du comportement pour lequel il est motivé. Tel est le cas par exemple du hérisson qui arpente les pelouses en quête de proies à la nuit tombée, de la tourterelle qui déambule au sol à la recherche de brindilles pour confectionner son nid, ou encore d’un homme qui, une lettre à la main, parcourt les rues à la recherche d’une boite jaune pour y déposer son pli. Dans ces contextes, le comportement exploratoire sert un but précis et il cesse donc lorsque celui-ci est atteint (Mac Farland, 1990).
Mais le comportement exploratoire est le plus souvent associé à ce que certains auteurs appellent le comportement de « curiosité » ou « d’investigation ». Il apparaît alors en réponse à la nouveauté. L’immersion dans un lieu inconnu, une modification d’un élément de l’environnement familier ou l’introduction d’un nouvel objet, déclenchent, sous réserve que cette situation nouvelle ne provoque pas d’anxiété importante, un comportement exploratoire.
Celui-ci se caractérise par des séquences d’approche et de retrait, l’objet ou la situation ayant simultanément un effet attractif et un effet anxiogène de par son caractère non familier. La prise d’informations à distance (visuelles, olfactives…) dépend de l’équipement sensoriel de l’individu et précède les contacts directs avec les éléments de l’environnement ayant déclenché le comportement exploratoire.
Aux comportements exploratoires succèdent fréquemment des comportements contribuant à la réassurance de l’individu tels que comportements de marquage de l’espace ou de l’objet exploré. Lorsqu’elle porte sur un objet, l’exploration est aussi souvent le prélude à des comportements de jeu de manipulation.
Il existerait chez de nombreuses espèces une motivation autonome, à l’origine du comportement exploratoire et conduisant l’individu à rechercher spontanément des stimuli ou des objets nouveaux à explorer (Immelmann, 1990). « Au moins pendant leur jeunesse, la plupart des Mammifères sont fortement des ‘créatures curieuses’, recherchant activement les situations nouvelles pour les explorer sous la pression de quelques conduites internes » (Eibl-Eibesfeldt, 1967).
L’appétence pour l’exploration est particulièrement marquée chez les jeunes ; elle perdure à l’âge adulte avec plus ou moins d’intensité selon les espèces.
L’exploration, mue par la curiosité, joue un rôle important dans la construction et la représentation de l’environnement de l’individu. « C’est seulement par apprentissage issu de la curiosité que des objets naissent dans le monde environnant de l’animal aussi bien que dans celui de l’homme » (Lorenz, 1965).